PRIDIE KALENDAS
Mais voilà qu'il ne me reste plus qu'un jour. Qu'un tout petit jour d'après le Solstice d'hiver, un jour si bref et si fragile encore, si éloigné de tout printemps que celui-ci en paraît presque inconcevable...
Et alors, dans cette Histoire qui pourrait bien n'être qu'un conte, qu'une vision de cette Machine à laquelle tout cela a été depuis le début confié, je me mets à me demander moi-même si...
Mes Compagnes auraient-elles eu raison ? Tout ceci n'est-il que nouvelle folie de ma part ? Déraison d'une âme égarée dans une époque qui n'est plus vraiment ou pas encore la sienne ? Illusion, illusion de mots et d'images transitoires par quoi tout cela passe ici, à quoi tout cela se réduit peut-être...
Je cherche de nouveaux signes, comme une enfant égarée je demande des visages familiers : mes doigts parcourent le velours des murailles, mais n'y trouvent encore pour caresses que des sortes d'échos de pierres muettes, des miroirs d'aspérités obscures... Et venant à la rencontre de mes lèvres, nulle langue, nulle haleine même qui me soit connue...
Dois-je le franchir vraiment, ce pas symbolique d'une année nouvelle qui marquera le nouveau seuil de ma quête, le plus exaltant mais le plus difficile aussi, l'impossible si souvent : celui de ma rencontre avec les êtres d'ici ?
Je regrette, oui je regrette en cet instant la veine d'où je suis tirée, celle de ce marbre clair du pays d'où je viens, je regrette ce sang tiède fait de ses vignes et de ses soleils, celui qui coulait dans le corps de Paulina, juste avant, et qui savait si bien enivrer son coeur, lui faire oublier , un temps, cet éternel voyage...
Paulina ! Doit-elle donc être sage, une nouvelle fois, être raisonnable, être digne de tous les silences, de tous les accommodements, de toutes les compromis : et renoncer à poursuivre, à se poursuivre ?
Mais raisonnable est un mot que je ne sais plus traduire.
Trop tard. Trop tôt. Il faut me pardonner. Et puis, sur la frontière des simulacres, de tous ces simulacres qui n'auront cessé d'accompagner mon âme, toujours, toujours et toujours, il y a une nouvelle fois cet indicible sourire qui me répète : va !
Alors je vais.